Emmanuelle
GUTIERRES REQUENNE

L'échappée

Catalogue, Cécile Challier

février 2005

Dans le silence, la force et la profondeur d’une construction aux contours incertains, la peinture d’Emmanuelle Gutierres Requenne interroge l’émergence.
Lumière, transparence, opacité, terre. Intérieur. Extérieur. Haut. Bas. Horizontal. Vertical. Transversal. Fenêtres, portes, trouées, échappées.
Si le motif se répète, c’est qu’il sert de point d’appui à l’exploration sans fond de la matière.
Les tons sont fondus. L’huile diluée trouve une fluidité. L’ancrage de départ est devenu invisible.

Une photographie de l’atelier de Pierre Bonnard, prise en 1955 par Alexander Liberman, et découverte dans une exposition temporaire à New York, est ainsi à l’origine d’un travail qui se décline depuis 1998. Un univers familier, simple, quotidien devient le socle des doutes, des expérimentations les plus personnelles. Le lieu qui recèle le mystère de la présence fondamentale.
Les investigations d’Emmanuelle Gutierres Requenne empruntent des passages secrets. Les thèmes surgissent, disparaissent, réapparaissent. Les baigneuses deviennent des gisants. Des têtes humaines sortent de terre, souriantes, le crâne piqué de brindilles. Dans ce jeu de transformations, il y a une violence qui sourd. L’imminence laiteuse, pareille à la douceur de l’aube, au crépuscule, lorsque le jour et la nuit se confondent et que le silence l’emporte, un court instant, contient la déchirure. La peinture d’Emmanuelle Gutierres Requenne est à la fois promesse et nostalgie. Guidée par le geste, par la jouissance de l’acte de peindre plus que par la résolution de l’objet, elle provoque la surprise et multiplie les voies d’accès.
En contrepoint d’une recherche solitaire, Emmanuelle Gutierres Requenne peint avec un saxophoniste au rythme de l’écriture musicale, sculpte l’argile, soude le métal, poursuit un travail de collage et favorise les rencontres avec d’autres artistes.